« Demain, nous avons un rendez vous. Nous rencontrons un Maître fouetteur ». Cette phrase flotte dans l’air pendant notre café dominical. Je baisse les yeux, instinctivement, évitant de me projeter sur cette journée, à la fois inquiète et impatiente. Il prononce alors son nom. Nouveau frisson. Il s’agit de Monsieur Cosi fan tutte. Un personnage. La veille, ils ont concocté une séance à mon encontre m’indique t il.
Et bien entendu, je suis maintenant au pied du mur et bien évidemment, mon ventre se contracte.
« Tu fais moins la maligne, Oclide » se moque mon Maître en me pinçant la joue affectueusement tandis que nous roulons vers son domicile.
Rageuse, je me détourne, m’enfonçant dans mes pensées. J’ai établi que, lors de ces trajets qui balise l’amorce du processus, je me claquemure dans ma carapace, dans ce besoin de confiner du monde extérieur. J’interroge alors mon corps et tente de me focaliser sur le moment présent. Ne pas composer.
Plantés devant son immeuble, nous enchaînons les codes d’accès. Je suis en mode pilotage automatique. Mon Maître me guide et m’indique une porte au rez de chaussé. Celle ci s’entrebâille sans que je puisse discerner de visage. Alors que nous pénétrons dans l’appartement, je hausse les paupières et découvre enfin notre hôte. Un homme élancé, au pieds nus et cheveux longs noués en catogan me dévisage d’un regard lugubre. Son aura de Dominant pèse d’emblée sur ma condition de soumise.
« Sors ta langue » ordonne t il
Je subis la morsure de ses dents se renfermant dessus. Je tique face à cette intrusion. Au bout de quelques secondes, il s’éloigne pour serrer la main de mon Maître. Encore dans le vestibule, nous nous débarrassons de nos manteaux, puis, d’un seul mouvement brusque, mon Maître arrache les pressions de ma robe. En bas et serre taille, vulnérable, nue devant eux.
« A genoux dans le salon, face à nous et mains sur la tête » claque Monsieur d’une voix rude.
Énergiquement, il me relie les mains avec une chaîne,me pose un crochet nasal et un écarteur de bouche. Un instant plus tard il emprisonne mes tétons dans un appareil artisanal constitué de deux tiges en acier. En son milieu, une chaîne s’achève par une vulgaire pince à linge.
« Ouvre la bouche et tire la langue », le ton est sinistre.
La pince à linge s’agrafe à ma langue, ayant pour conséquence un écoulement de bave incontrolé.
« C’est ta langue qui va faire remonter tes seins. Me lance t il.
Tu es ridicule » finit il par conclure
Monsieur se détourne pour aller s’entretenir avec mon Maître comme une vielle connaissance. Quant à moi, je réalise à peine, sidérée par ce qui vient de se produire. Cette scène incongrue s’est déroulée en un clin d’œil, ces enchaînements fulgurants sans que je puisse prononcer la moindre parole… Je suis avilie, infériorisée dans une position risible pendant que ma salive se répand sur le sol. Tandis qu’ils me photographient, j’enregistre, témoin de mon supplice, mon maquillage couler. Cette mise en condition furieuse me désarçonne, exhibée de manière si grotesque comme un bibelot que l’on expose avant le marchandage. En revanche, les deux hommes, en Maîtres, expriment leur contentement soit en plaisantant entre eux ou en m’injuriant.
Quelle honte.
« J’ai un autre cadeau pour toi, chienne » reprend Monsieur, en se dirigeant vers la cuisine. Je n’ai pas les moyens de discerner ces gestes à part patienter, méfiante, de son retour.
Il me fait miroiter ce qu’il a concocté et je panique en reconnaissant un morceau de gingembre conséquent. Après l’avoir pelé, il se place derrière moi et me l’encastre sans ménagement dans le cul en guise de plug. Rapidement, mon anus s’embrase, les muqueuses attaquées par le fruit épicé. Je me dandine comme je peux…
« Tu as le cul qui brule, chienne. Ceci étant dit, tu as intérêt de le garder ».
A priori, ma position lui convient. En effet, à genoux dans son salon, luisante de bave provenant de ma bouche forcée par l’écarteur et de ma langue distendue par la pince à linge qui elle même rehausse mes seins par l’appareil dont elle est jointe. Ajoutez à cela le crochet nasal dont l’extrémité est ajustée à mes poignets immobilisés à l’arrière de ma tête. Et pour conclure, un morceau de gingembre me cuisant les entrailles. Positivement, je suis en mauvaise posture.
Et pourtant, nous sommes aux prémisses de la séance. Monsieur s’arme d’un instrument qui le caractérise, le fouet. Le fouet symbole suprême du Dominant BDSM. La technicité du fouet s’acquiert par de longues heures d’entraînement et par une dextérité sans faille. De ce fait, être un Maître fouetteur est une lettre de noblesse, recherchée dans ce monde.
De part sa nature et sa forme, le fouet est un objet complexe à utiliser. La maniabilité de l’instrument est ardue du fait du poids qui n’est pas réparti équitablement. De plus, l’élasticité du cuir contrarie la prise en main aisée. L’arabesque du tressage évoque la fluidité des écailles de reptiles. Et pourtant, l’amplitude du mouvement ; cette maîtrise multiplié par son bras qui se propage exponentiellement au travers de son poignet pour finir sa course dans le cuir jusqu’à l’impact sur la peau, est l’apanage d’un fouetteur. Effectivement, cette prise en main sur une seule extrémité exige une forte concentration du dominant dans le but de procurer suffisamment de douleur et d’émotion mais pour ne pas blesser le supplicié.
Les battements de mon cœur ont entamé un sprint. Le cortisol circule à plein régime dans mon sang.
Il recule, médite puis soulève son bras, se campant fermement sur ses jambes. Je suis dans l’incapacité totale à croiser son regard. C’est au dessus de mes forces. Je fixe un point dans la pièce et bondis lorsque le claquement assourdissant explose mes oreilles, dépassant la vitesse du son.
Je tremble comme une feuille. […]